Lettre ouverte d'un néo-chômeur au Président des Français

Jeudi, 05 Février 2009 11:30
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Monsieur le Président, vous allez prendre la parole ce soir. Vous allez très certainement axer votre intervention sur la montée du chômage et les formidables «réformes» déjà engagées et celles, incontournables, dont vous exigez la mise en place.

Justement, parlons-en de ces «réformes» dans le domaine de l'emploi.

- Après avoir remis en cause le Code du travail à la demande des organisations patronales qui, une fois de plus, vous chantaient la chanson du «Pour embaucher, il faut pouvoir licencier plus facilement»,
- Après avoir augmenté la durée de cotisation pour la retraite en sachant que notre pays compte le plus grand nombre de plus de 50 ans sans emploi,
- Après avoir visité la France des usines que vous "adorez" et ne plus pouvoir vous y rendre sans un cordon de police permanent,
- Après avoir décidé qu'il était nécessaire de faire travailler les gens le dimanche «puisque c'est le cas des pays étrangers que vous avez visité»,
- Après avoir provoqué les salariés par l'humiliant «Aujourd'hui, lorsqu'il y a une grève en France, plus personne ne s'en aperçoit !»
- Après avoir évoqué puis zappé le scandale des paradis fiscaux,
- Après avoir montré votre impuissance ainsi que celle du gouvernement à empêcher les entreprises de partir là où sévit le dumping social et fiscal,
Vous allez selon toute logique nous déclarer que tout le gouvernement est mobilisé pour sauvegarder l'emploi.

Mais que sait-on au gouvernement du chômage et des chômeurs, à part des chiffres tronqués ou améliorés fournis par l'INSEE ?

Nul doute qu'Henri Guaino a déjà écrit la majeure partie de ce vous déclarerez à tous ceux qui sont sans emploi ou vont le perdre.

Nul doute que vous retrouverez les accents de votre campagne pour fustiger les inconscients qui ont ruiné l'économie (et dont un certain nombre étaient les plus fervents défenseurs de votre candidature).

Par contre, cette fois, il ne se trouvera aucune référence à Edgar Morin, Guy Môquet ou Jean Jaurès qui puisse vous exonérer des choix de société que vous avez fait pour la France. Invoquer la crise mondiale ne suffira pas. En effet, toujours prisonnier de votre loi TEPA (travailler plus pour gagner plus pour les plus modestes, et payer moins pour gagner plus pour les plus aisés), vous avez voulu appliquer au pays une cure de mauvais libéralisme conseillé en cela par les plus extrêmes des économistes, des grands patrons et de leurs cercles ou think tanks.

Savez-vous seulement ce que ressent le salarié à qui on annonce que, dans quelques jours ou même quelques heures, il ne viendra plus travailler ? Il est clair que vos nombreux collaborateurs vous font parvenir des notes sur l'état des faillites ou dépôts de bilan, mais certainement pas sur ce qui attend celui qui, pour des raisons de spéculation financière, va découvrir votre nouveau Pôle Emploi.

La première sensation d'incrédulité passée, c'est toujours la peur (et non pas l'angoisse, le nouveau joli "mot" des ministres) qui survient :
- Peur de ne rien retrouver pour des raisons d'âge, de compétence, d'origine ou simplement d'emploi au niveau local,
- Peur de ne pas pouvoir assumer ses engagements financiers auprès des banques ou organismes de crédit (ils vont bien et vous en remercient),
- Peur de ne pas pouvoir payer son loyer,
- Peur de se voir imposer des stages parking et des obligations impasses,
- Peur de la désocialisation (voir les autres partir et revenir du travail est la pire des tortures),
- Peur d'apprendre que la durée et les conditions d'indemnisation soient revues à la baisse,
- Peur de la durée de cette absence du monde du travail.
Et enfin : peur de la dégringolade sociale qui peut aujourd'hui mener au RSA, puis à la rue.

Ensuite, il y a la honte

- Lorsqu'on se retrouve entre amis ou en famille, d'être le seul sans emploi et ne rien avoir à raconter,
- Du regard compatissant ou sévère de ceux qui connaissent votre situation,
- De devoir encore diminuer ses achats (si c'est encore possible) les plus essentiels,
- Provoquée par les remarques ou déclarations d'élus ou de ministres qui expliquent que de l'emploi il y en a partout alors que personne ne répond à vos courriers,
- De faire état de son échec devant les conseillers de l'ANPE,
- D'aller quémander de l'aide auprès des services sociaux ou des associations,
- Que provoque le refus gêné des gens que vous connaissez et qui, brutalement, ne vous prennent plus au téléphone ou ne vous reçoivent plus...

Puis la colère

- Parce qu'on ne peut parler à personne de son problème (tellement de gens ont le même !),
- Parce qu'on vous explique que : La mondialisation, la concurrence et... la crise !
- De savoir que vous n'êtes pour rien dans la perte de milliards de milliards,
- D'apprendre que les budgets de fonctionnement de l'Elysée et des assemblées continuent à augmenter,
- D'entendre que les seuls gisements d'emploi actuels sont des postes à quart temps au Smic, source d'un nouveau prolétariat,
- De comprendre que «c'est dommage, mais on fait pas d'omelette sans casser des œufs» et que les œufs... c'est vous !!!

Saviez-vous tout cela ?

C'est possible, comme le prétendait une partie de votre slogan de campagne. Il n'en reste pas moins que la seule justification d'un état et de ceux qui le dirigent est de pourvoir à l'avenir de ses citoyens. Et ça, nous n'avons pas l'impression que ce soit inclu dans votre mode de fonctionnement. Les syndicats que vous espériez mettre au pas, voir laminer, semblent cette fois-ci comprendre que la pression populaire pourrait les ignorer et mettre à jour frustrations et colère en direct.

Vous avez déclaré : «J'aurai l'occasion d'y répondre [aux «inquiétudes» se manifestant dans le pays), mais pas au prix de l'immobilisme, pas au prix du conservatisme, pas au prix du refus d'une évolution qui condamnerait le pays à ne pas créer les emplois dont nous avons besoin»...

Très honnêtement, après avoir pris connaissance des 1.000 projets lancés par votre Premier Ministre (et qui sont les cartouches qui étaient prévues pour 2010-2011), on se dit que le «conservatisme» et l’«immobilisme» sont deux qualités que vous continuez à cultiver.

Au lieu de croire que vous pouvez réformer le capitalisme et "adapter" les populations à des sous-emplois sous payés, vous devriez, justement faire preuve de modernité en décidant de basculer dans une nouvelle ère où l'Etat, faisant fi de la seule théorie des pouvoirs régaliens, reprendrait ses droits pour donner la priorité aux hommes au détriment des projets individuels sans autre avenir que celui de l'enrichissement et la spoliation.

En êtes-vous capable ? Sincèrement je n'y crois pas une seconde.

SLOVAR

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Mis à jour ( Jeudi, 05 Février 2009 11:30 )