Hervé Novelli invente «l’auto-entreprenariat»

Lundi, 17 Novembre 2008 23:56
Imprimer
L'emploi salarié recule et les faillites d'entreprises se multiplient ? Qu'à cela ne tienne : pour y remédier, le secrétaire d'État au Commerce et aux PME nous ressort une antienne parfaitement éculée.

Grâce à la nouvelle «arme anticrise» qu'il a présentée aujourd'hui et entrera en vigueur en janvier 2009, «les salariés qui veulent un complément de revenu, les retraités qui veulent améliorer leur pension, les jeunes qui ont besoin d'un peu d'argent pour financer leurs études ou encore les chômeurs, pour qui il pourra s'agir d'une chance de rebondir», auront la possibilité de développer une activité complémentaire qui offrira «à chacun la possibilité de bénéficier d'un gain de revenus supplémentaires, ce qui, en cette période de ralentissement économique, répond à un vrai besoin». «Auto-entrepreneur, un statut pour gagner plus», nous explique-t-il dans une interview au Figaro... On peut également lire ici un exposé plus détaillé de cette trouvaille qui épouse les courbes du fallacieux «travailler plus pour gagner plus» mais ne règle absolument pas le problème de l'emploi en France, et encore moins celui des bas revenus.

Complément de salaire ?

Pour ceux qui travaillent, le gouvernement a déjà élaboré des petits aménagements visant à accroître la participation et l'intéressement : des artifices aussi aléatoires qu'inégalitaires, qui n'ont pour objectif que de contourner allègrement les indispensables augmentations. Or il est bon de rappeler que, depuis 1980, la part des salaires dans la valeur ajoutée des entreprises est tombée de 67% à 57% en moyenne dans les quinze pays les plus riches de l’OCDE. Une chute de 10 points de PIB qui représente, rien que pour la France, la somme colossale de 160 milliards d’euros : un vertigineux siphonnage qui a nourri le capitalisme «financier» au détriment du pouvoir d'achat et de la protection sociale — retraite, chômage, santé… aujourd'hui déficitaires — des valeureux acteurs de «l'économie réelle» que nous sommes censés être.

Ô joie, ô bonheur : grâce à ce gouvernement, en sus du travail du dimanche ou des heures supplémentaires défiscalisées qu'on leur donnera l'occasion de faire «sur la base du volontariat», tous les salariés définitivement spoliés auront la possibilité de consacrer le reste de leur temps libre à «l’auto-entreprenariat» afin d'améliorer leur ordinaire !

Complément de retraite ?

Pour les salariés âgés, cibles privilégiées des licenciements et de la discrimination à l'embauche, il sera possible d'exercer… jusqu'à 70 ans ! Et pour les retraités désargentés, victimes d'une protection sociale défaillante, le gouvernement a déjà instauré la facilitation du cumul emploi retraite, scandaleux à tous points de vue : à partir de 40 ans, vous n'intéressez plus les employeurs mais à partir de 60, le vent tourne. Grâce à «l’auto-entreprenariat», les vieux en bonne santé pourront mettre du beurre dans leurs épinards et ne s'ennuieront plus à la maison !

Quant aux étudiants imaginatifs qui paient 500 € par mois pour une chambre de bonne et travaillent déjà chez MacDo, «l’auto-entreprenariat» leur laissera le temps de se consacrer pleinement à leurs études... (De toutes façons, les diplômes ne paient plus et pour se lancer dans la vie active, «l’auto-entreprenariat», c'est bien mieux qu'un stage à 380 € renouvelé à l'infini.)

Création d'entreprises ?

«On va transformer les talents des Français en argent», s'est enthousiasmé Hervé Novelli lors de sa conférence de presse, tablant sur «le fait que 100.000 Français vont devenir auto-entrepreneurs au premier semestre 2009, et 100.000 de plus au second semestre» et qu'à terme, cela pourrait amener chaque année «500.000 entrepreneurs nouveaux». M. Novelli oublie simplement que les défaillances d'entreprises dans l'Hexagone s'accélèrent à un rythme inquiétant et devraient se multiplier en 2009. Ce satisfecit fait également fi du sentiment des intéressés qui, selon un sondage Opinionway publié lundi, déclarent à 63% ne pas être ou ne pas avoir été tentés par l'aventure entrepreneuriale : si 96% estiment que l'économie française en a besoin pour se développer, 77% pensent que l'environnement ne leur est pas du tout favorable.

Création d'emplois ?

Dans sa grande complaisance, M. Novelli ose s'appuyer sur le «record» en trompe l'œil de l'année 2007, où le nombre de créations d'entreprises avait progressé de 12,5% pour atteindre le score de 321.478 nouvelles structures. Or, on le sait, 87% d'entre elles n'avaient pas… de salarié.

Par ailleurs, le chômage regagne du terrain et ce n'est pas prêt de s'arranger : là aussi, tous les indicateurs sont au rouge. Sans honte, Hervé Novelli élude le fait que son parti affiche depuis 2002 un piètre bilan en matière de création d'emplois, et ce en dépit de ses communications nombreuses et mensongères. Chômeurs, vous aurez beaucoup de mal à retrouver du travail en 2009 et la précarité sera votre lot : mais si vous réussissez à dégager moins de 80.000 € de chiffre d'affaires dans une activité commerciale ou moins de 32.000 € dans une activité de services, «l’auto-entreprenariat» sera la solution pour échapper… au RSA ! Car mieux vaut être un «patron précaire» qu'un «travailleur pauvre», n'est-ce pas ?

Après avoir débloqué des milliards pour sauver les instigateurs de la crise et permis à un nombre croissant de très riches contribuables d'échapper à l'impôt, voici, une fois de plus, comment l'UMP nous fait croire qu'elle s'occupe des Français qui en bavent.

DERNIÈRE MINUTE => tandis qu'Hervé Novelli (ré)invente «l’auto-entreprenariat», Laurent Wauquiez (ré)invente le «Nacre» — nouvel accompagnement pour la création et la reprise d'entreprise —, plus particulièrement destiné aux chômeurs : lire en commentaire...

Lire aussi :
Articles les plus récents :
Articles les plus anciens :

Mis à jour ( Lundi, 17 Novembre 2008 23:56 )