HALDE : un premier grand testing… raté

Mercredi, 11 Juin 2008 12:51
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La HALDE a pris en flagrant délit d’embauche au faciès trois entreprises. Qui contestent la méthode employée.

Phrases courtes et sourires crispés, hier, à l’occasion de la présentation des résultats du premier testing d’envergure organisé par la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité. Une enquête sur les discriminations à l’embauche menée dans 15 entreprises du CAC 40 et 5 cabinets de recrutement et que Louis Schweitzer, président, semblait vouloir expédier.

L’ancien PDG a voulu faire des exemples au cœur du fleuron de l’entreprise française mais visiblement, sans les armes appropriées. Résultats : ils sont bien faibles. Car hier, aucun chiffre précis n’a été rendu public. Le CAC 40 discriminerait peu, mais seule une moyenne globale témoigne du phénomène : par rapport à un candidat de référence (blanc et jeune), un candidat d’origine africaine aurait ainsi 22,7% de chances en moins d’obtenir un entretien d’embauche quand un testing du BIT (Bureau international du travail) en 2006, lui, en prédisait 80% en moins. Les plus de 45 ans, pour leur part, auraient 42% d’opportunités en moins que les plus jeunes d’être convoqués après une lettre de candidature.

Fantômes. Au final, seules deux entreprises du CAC sont épinglées, mais sans chiffres : Accor sur l’origine des candidats et le Crédit agricole sur les seniors. Pour les autres, «soit il n’y a pas d’écart et donc elles ne discriminent pas, soit cet écart n’est pas assez significatif», explique Louis Schweitzer. En se limitant, pour l’essentiel, au CAC 40, la HALDE ne s’attendait pas non plus à une pêche miraculeuse : «Ces entreprises ont toutes une politique contre les discriminations et ont l’habitude d’être surveillées. Par ailleurs, je les avais prévenues, en expliquant dès 2006 que nous procéderions à des testings», expliquait hier Schweitzer. Bref, des résultats fantômes pour une étude qui a manqué de trépasser à plusieurs reprises depuis son lancement.

Dans sa génèse comme dans sa conduite, l’enquête a été vivement critiquée. Contesté d’abord, le mélange des genres, avec l’attribution du marché du testing (plus de 500.000 €) à une PME liée à Jean-François Amadieu, universitaire, mais surtout membre du conseil consultatif de la HALDE. Contestée ensuite, la rigueur de l’enquête dont plusieurs des 5.620 faux CV ne correspondaient pas, selon les entreprises, au profil du poste proposé.

Pugilat. Autant de boulettes révélées par le Canard Enchaîné en avril dernier, et qui ont conduit la HALDE à repousser la publication des résultats et à écarter près de 20% des CV de l’enquête. «Ces fuites dans la presse ont été organisées pour saboter le testing, confiait hier Jean-François Amadieu à Libération. Nous sommes pourtant les seuls à avoir une démarche contradictoire, en débattant des résultats avec les entreprises avant de les rendre publics.» Ce qui n’a pas empêché la polémique de se poursuivre jusqu’au dernier moment. Lundi, 48 heures avant la sortie des résultats, une réunion entre des responsables des entreprises concernées et la HALDE a, semble-t-il, manqué de tourner au pugilat : «La rencontre fut houleuse, rapporte ainsi Cathy Kopp, DRH d’Accor, toutes les entreprises ont contesté les données, même celles qui n’étaient pas mises en cause, comme Total ou Sanofi.»

Au-delà du lobbying des chefs d’entreprise, la faiblesse - toute relative - des discriminations qui ressort de l’enquête a aussi une autre explication : le testing s’est limité aux offres d’emplois sur Internet, c’est-à-dire sur des plateformes centralisées, donc moins sujettes au risque discriminatoire. Pour son premier grand testing, la HALDE a manifestement raté sa cible.

(Source : Libération)

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Mis à jour ( Mercredi, 11 Juin 2008 12:51 )