Liquidation de l’Imprimerie nationale

Lundi, 11 Février 2008 14:45
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Drapeau à tête de mort accroché sur la façade du bâtiment, mannequin en paille pendu dans l’usine : l’ambiance est au macabre. C’est samedi, et sur l’un des derniers sites de l’Imprimerie nationale, à Choisy-le-Roi, le conflit touche à sa fin.

Après trois semaines d’occupation, les salariés devraient cet après-midi se prononcer sur les dernières propositions de la direction. Un énième plan social, plutôt généreux, qui signerait aussi la quasi-liquidation d’une entreprise d’Etat cinq fois centenaire. «On devrait obtenir à peu près les mêmes garanties que pour le plan social de 2005. Aux salariés, ensuite, de se prononcer», explique Gilles Vienne, de la CFDT, qui a participé mercredi soir, avec d’autres employés de l’imprimerie, à la séquestration du médiateur nommé par Bercy.

Départs volontaires. Sur les 120 salariés du site, 80 suppressions d’emplois sont prévues, sous forme de départs volontaires ou d’aides au reclassement. Avec des primes de 30.000 à 50.000 € suivant l’ancienneté pour les candidats au départ et des congés de reclassement assurant 75% du dernier salaire net pendant au moins cinq ans pour les autres. Sur ce site assurant l’impression des concours français et de certains documents des impôts ne resteraient que 40 salariés, sous réserve d’un hypothétique repreneur. Avec le site de Douai, chargé des passeports et autres cartes grises, celui d’Ivry et les salariés restant à Choisy, l’Imprimerie nationale, qui comptait plus de 2.400 salariés dans les années 70, n’emploierait plus que 450 personnes.
«C’est la mort programmée par l’Etat de cette belle entreprise créée par François Ier au XVIe siècle», dénonce Alain Girbal, de la CGT. «On est contraint par la Commission européenne, répond le cabinet de la ministre de l’Economie. Suivant les règles en vigueur dans l’Union, on doit se détacher du concurrentiel et ne conserver que ce qui relève du régalien, type passeport ou carte d’identité.»

Au-delà des injonctions de Bruxelles, les syndicats accusent surtout le gouvernement d’avoir voulu torpiller l’entreprise. Depuis la nomination en 2003 du nouveau PDG, Loïc Lenoir de la Cochetière, qu’ils considèrent comme un «liquidateur», les salariés en veulent à un «Etat-patron voyou» qui a multiplié les plans sociaux visant au démantèlement de l’imprimerie. Ils soupçonnent le gouvernement de fragiliser ce qu’il reste de l’entreprise afin de poursuivre le transfert de certaines de ses activités au privé. En 2005, après la cession des sites de Strasbourg (Bas-Rhin) et d’Evry (Essonne), un autre projet, plus contesté encore, avait échoué. Il visait à confier la fabrication du passeport électronique, activité pourtant régalienne, à la société privée Oberthur, dont l’un des anciens conseillers n’est autre que le PDG actuel de l’Imprimerie nationale.

«Gestion désastreuse». Autre souvenir noir : la vente en 2003 du site parisien de la Convention (XVe arrondissement) pour 85 millions d’euros au sulfureux fonds d’investissement Carlyle, avant son rachat par l’Etat, quatre ans plus tard, au prix de… 375 millions d’euros. Bref, une «gestion désastreuse» de l’Imprimerie nationale, que les syndicats ne manquent pas de mettre en rapport avec la dernière sortie de Nicolas Sarkozy auprès des salariés d’Arcelor : «Il fait la morale à Mittal comme quoi il est inadmissible de licencier, mais qu’il balaye d’abord devant sa porte.» Après cinq cents ans, l’histoire de l’Imprimerie nationale, elle, se referme douloureusement.

(Source : Libération)

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Mis à jour ( Lundi, 11 Février 2008 14:45 )