Chômage : l'autre vérité

Lundi, 31 Octobre 2005 15:51
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Les statistiques officielles de l'emploi témoignent d'une embellie qui vient à point nommé pour un exécutif toujours minoritaire dans les sondages. Des chiffres qui suscitent des interrogations alors que la reprise ne se dessine pas.

Le chômage a donc encore reculé en septembre. Pour le sixième mois consécutif. Et l'on s'éloigne ainsi un peu plus (0,1%) de la barre symbolique des 10% de sans-emploi par rapport à la population active, le taux de chômage s'établissant à 9,8%. Ce dernier était redescendu en juillet sous ce seuil pour la première fois depuis octobre 2003. Notre confrère Le Parisien avait avancé ces chiffres dès mercredi. Ils sont désormais confirmés.
Quelque 22.000 demandeurs d'emploi étant sortis en septembre des listes de l'Agence Nationale pour l'Emploi, on ne recense plus, officiellement, que 2.379.800 chômeurs.

Selon un sondage IFOP pour La Croix, le Premier ministre recueillerait encore 41% d'opinions favorables chez les chômeurs, mais sa cote chute de 10 points auprès d'eux en un mois, alors que les Français dans leur ensemble ne sont plus que 49% à lui faire confiance.

Au total, alors que l'activité reste atone et que les dégraissages continuent - Chronopost, filiale de La Poste, supprimerait 450 postes, a-t-on appris hier de source cédétiste, tandis que le géant papetier finlandais Stora annonçait un plan de restructuration prévoyant 5.000 suppressions, notamment en France - l'embellie statistique officielle suscite des interrogations.

La gestion des fichiers, avec des radiations progressant plus vite que les reprises d'emploi est la cible principale des critiques.
Et le recours à l'emploi aidé, dont la droite a découvert les vertus, ne fait pas l'unanimité : les avantages pour les gens concernés sont réduits par rapport aux formules antérieures, au grand dam des collectivités amenées à financer à terme ces embauches à durée ramenée de 5 à 2 ans - ainsi des Contrats d'accompagnement qui ont succédé aux CES et des Contrats d'avenir destinés à ramener vers l'emploi les bénéficiaires de l'Allocation de solidarité.

Autre préoccupation : le chômage des jeunes. Les chiffres d'hier montrent qu'il repart légèrement à la hausse (+0,1 par rapport à août). Dominique de Villepin se félicitait hier du bon démarrage des Contrats Nouvelles Embauches. Mais l'on n'a pas oublié la sortie de cette jeune Lyonnaise interpellant la semaine passée le chef de l'État sur la précarité de ces CNE avec la possibilité donnée au patronat de les dénoncer sans justification pendant 2 ans.

En région, des contrats qui inquiètent

Interview de Jean-Paul BACHY (PS), Président de Champagne-Ardenne : «Un désengagement flagrant de l'état»

Les contrats d'avenir qui sont destinés aux collectivités locales vous intéressent-ils en tant que président de région ?
C'est encore un faux cadeau fait aux collectivités locales. Car leur financement va progressivement nous revenir, l'État se désengageant au fur et à mesure. L'aide est en effet dégressive : elle passe de 75% à 25%. Ce nouveau contrat aidé vient maintenant s'ajouter à la formation des chômeurs longue durée, autre «cadeau» que l'État nous avait fait fin 2004. Cela marque un manque d'intérêt de l'État envers un public qui a pourtant besoin de solidarité.

Ces contrats d'avenir ne peuvent-ils pas servir de tremplin, comme l'ont été les emplois jeunes ?
Ils sont beaucoup plus précaires et fragiles que ne l'étaient les emplois jeunes. Ils ne durent que 2 ans au lieu de 5 et ne concernent que du temps partiel. En outre, les emplois jeunes avaient un but formateur. Beaucoup des jeunes que j'avais embauchés en tant que maire de Sedan ont aujourd'hui un travail stable. J'ai l'impression que les contrats d'avenir ne servent qu'à masquer les vrais chiffres du chômage et à alourdir encore plus les dépenses des conseils régionaux qui ne perçoivent pourtant que la plus petite partie des impôts locaux (5%).

Dans quel but ?
Afin, d'une part de nous faire porter le chapeau si la reprise de l'emploi traîne, et d'autre part de nous faire augmenter les impôts locaux. Et cela à des fins électorales.

Comment créer de l'emploi ?
En augmentant le pouvoir d'achat pour que les carnets de commandes des entreprises se remplissent.

«Les radiations ont été multipliées par 10»

Les conseillers ANPE seraient-ils en train de se transformer en véritables contrôleurs ?
C'est le sentiment que commencent à avoir ceux dont le travail était d'aider au retour à l'emploi. Une employée résume en disant : «Notre boulot passe d'assistante sociale à contrôleuse. Et il y a bien un réel malaise au sein des ANPE».
Car depuis quelques années les radiations, appelées pudiquement «gestion de la liste» se multiplient sur les listings des chômeurs. Le but étant visiblement de tout faire pour faire diminuer le nombre officiel de demandeurs d'emploi en «rangeant» les inscrits dans différentes cases non-comptabilisées. Ainsi, outre les radiations pures et simples qui ont toujours existé, il y a une gradation des sanctions à l'égard des chômeurs qui, selon les nouveaux critères ANPE, ne rechercheraient pas assez activement un emploi.

«Depuis janvier 2005, les contrôles ont été renforcés, indique un conseiller ANPE toulousain qui, signe que le sujet est sensible, a préféré garder l'anonymat. Chaque mois nous devons recevoir le chômeur pour faire le point, ce qui pourrait être un bon principe, explique-t-il. Mais dans la pratique nous fixons avec lui des objectifs mensuels sans prendre en compte les situations particulières. Et comme il arrive souvent que ces objectifs ne sont pas atteints, la conséquence est que le demandeur d'emploi subit une sanction allant d'une suspension des listes de 15 jours accompagnée d'une baisse de ses allocations à une radiation définitive et la perte totale des allocations chômage», résume ce conseiller. «D'ailleurs, sur Midi-Pyrénées, les radiations-sanctions ont été multipliées par 10. Ce qui nous pose un problème de conscience car les agents ANPE y sont obligés, même si chacun agit avec discernement».

Parmi les autres mesures existantes pour dégonfler le nombre de chômeurs : les contrats aidés - mais précaires - du nouveau plan Borloo et les stages «parking» qui occupent un certain nombre de demandeurs d'emploi.

«Signe qui ne trompe personne : s'il existe dans les chiffres une petite diminution du chômage, elle est également accompagnée d'une baisse des reprises d'emploi». Question : où sont passés ces chômeurs, s'ils n'ont pas retrouvé de travail ?

Sébastien Marcelle

TÉMOIN : «Il y a toujours autant de chômeurs»

Dans un livre, Patricia Sudolsky raconte son expérience de chômeuse. Elle témoigne : «Le nombre de chômeurs ne baisse pas. Pour s'en rendre compte il faut se référer au nombre des créations d'emplois. En 2005 elles n'ont été supérieures aux destructions que de 0,1%. Pour être comptabilisé dans les chiffres du chômage il faut être disponible immédiatement et postuler à un CDI à temps complet.
Bien que chômeuse j'ai été radiée lorsque Jean-Louis Borloo, en septembre, est venu visiter mon ANPE. Nous avons été un certain nombre à être contraints de suivre un stage de 5 semaines pour apprendre à rechercher un emploi ce qui nous a fait «sortir» des chiffres du chômage. Certes, je ne dis pas que ce stage ne me sert pas, mais il n'y a pas d'emploi au bout. Accepter n'importe quoi je veux bien, mais je ne suis pas qualifiée pour n'importe quoi et j'ai 45 ans. Comme vendeuse on n'a pas voulu de moi. Trop vieille. Quand enfin s'est présenté un CDD correspondant à mon profil, il y a eu 127 candidats. Lorsqu' un emploi se libère ou se crée il est d'abord pourvu par relation, ensuite par petites annonces et internet. Seul le «solde» va à l'ANPE.
En fait l'ANPE aide à tenir parce que quelqu'un s'occupe de vous. De plus en plus exigeants, le employeurs ne veulent que des salariés parfaits. 50 candidats en moyenne pour un poste ! On peut faire un parallèle avec la recherche d'un logement et, comme dans ce domaine, le mal est ancien. Cette compétition, même quand on se sent bien dans ses baskets, finit par vous mettre mal à l'aise.»

Patricia Sudolsky “Vous croyez que ça m'arrange d'être chômeuse ?” (Ramsay)

(Source : extraits d'un dossier de La Dépêche du Midi)

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