Le non-recours aux aides sociales est bien plus important que la fraude

Mardi, 13 Novembre 2012 05:23
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C'est ce qu'affirme Philippe Warin, fondateur de l’Observatoire des non-recours aux droits et services, qui vient de publier «L’envers de la fraude sociale» aux éditions La Découverte. Interview.

[…] Les travaux sur le non-recours sont apparus dans les années 1990, mais ces dernières années, un discours sur la fraude aux prestations sociales s’est développé, permettant de justifier la réduction de certains de leurs budgets, les allocations étant supposées «fraudogènes». Or, le non-recours aux droits est bien supérieur à la fraude !

Dans un rapport, l’Assemblée nationale a estimé la «fraude sociale» à environ 20 milliards d’euros, dont 15 à 16 milliards dus au travail dissimulé et 3 à 4 milliards liés à des escroqueries aux prestations sociales, soit environ 1% du montant total des sommes versées. Ces 4 milliards de fraudes aux prestations sociales sont à mettre en regard des 5,3 milliards d’euros de non dépenses produites par le non-recours au seul RSA, ainsi que les 4,7 milliards de prestations familiales et de logement non réclamées. (Voir tableau ci-dessous.)

Quant à la CMU complémentaire, 24% des ménages éligibles n’en bénéficient pas alors que les fraudes à la CMU ont représenté 800.000 euros en 2010. Pour nous, le scandale du non-recours aux droits sociaux, c’est l’envers de la fraude sociale.

Quelles sont les causes de ce non recours ?

Il y a tout d’abord la stigmatisation des publics concernés. Un discours ambiant a véhiculé une norme sociale culpabilisatrice : toute demande d’aide est perçue comme une preuve de faiblesse. Le discours sur la fraude et l’«assistanat» a ainsi tendance à dissuader les personnes que l’aide cible en premier.

Il y a aussi le manque d’information. Mais, surtout, la complexité des systèmes administratifs pour y avoir accès. L’exemple de la tarification sociale de l’énergie est particulièrement révélatrice : pour obtenir une tarification sociale, il faut être bénéficiaire de la CMU-C. Il revient à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) d’en informer l’entreprise qui fournit l’énergie, de faire les calculs et le cas échéant d’accorder le tarif social. Si bien que seul 47% des ménages éligibles ont effectivement accès à cette aide. Il faudra voir dans le temps si le décret du 6 mars 2012 relatif à l’automatisation des procédures d’attribution des tarifs sociaux de l’électricité (TPN) et du gaz naturel (TSS) permet d’améliorer la donne.

La crise économique peut-elle aggraver ce phénomène ?

Les difficultés budgétaires, notamment des collectivités locales, conduisent les instances à resserrer les conditions d’accès aux aides. Le risque est que les personnes qui sont éligibles à ces prestations s’en détournent alors même qu’elles en constituent les publics cibles. Comme une forme d’autocensure.

Vous préconisez une lecture qui ne soit pas purement comptable de ces prestations sociales, en insistant sur leurs effets multiplicateurs sur les territoires. Etes-vous entendu ?

Les choses bougent et la prise de conscience est réelle, quelle que soit l’orientation politique de la collectivité. Le non-recours, s’il représente une économie comptable pour la collectivité, constitue une perte économique pour un territoire. Sans oublier le surcoût induit par les dommages sanitaires et sociaux, qui reviennent ensuite peser sur le système social. Il faut donc davantage développer l’étude de l’impact des dépenses sociales.

Le cas de l’aide personnalisée d’autonomie (APA) est très intéressant. Si cette prestation permet de faciliter la vie d’une personne âgée, elle finance un service à domicile qui, par l’emploi et le salaire qu’elle représente, engendre des cotisations, des impôts et des dépenses sur un territoire. Aujourd’hui, sur les 4 milliards d’euros que représente l’APA, près d’un quart ne sont pas dépensés.

(Source : La Gazette des communes)

Le site de l'Odenore, Observatoire des non-recours aux droits et services.





















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Mis à jour ( Jeudi, 15 Novembre 2012 00:32 )