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Chômage, dépression : «Ceux qui ne l'ont pas vécu ne peuvent pas comprendre»

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Le Journal de la Santé-Allô Docteurs est un magazine dont l'excellente facture se vérifie quotidiennement. Pour ceux et celles qui s'interrogent sur l'impact du chômage sur leur psychisme, ils ont concocté une émission de grande qualité.

Comment faire pour ne pas sombrer dans la dépression quand on a perdu son emploi (ou quand c'est l'emploi qui vous détruit) ? Hélas, pas grand chose... La dépression vous tombe dessus, point. Mais quand ça arrive, il faut savoir la reconnaître — c'est-à-dire en diagnostiquer les symptômes ET mettre sa fierté au placard en admettant son état —, puis accepter de se faire aider car, contrairement à une illusion virile fort répandue, on ne peut pas s'en sortir seul : un traitement à la fois médicamenteux et psychologique sera nécessaire.

Tout d'abord, il convient de distinguer ce qu'on appelle la simple déprime de la véritable dépression et savoir que le blues, même prolongé, ne mute pas systématiquement en pathologie. Car la maladie dépressive nécessite des prédispositions qui ne concernent que des sujets ayant une vulnérabilité individuelle, qu'elle soit acquise par des traumatismes dans le développement précoce (et des gens qui ont eu une enfance malheureuse, il y en a des tas !) ou par transmission génétique. Là-dessus, l'irruption violente d'événements de vie particulièrement difficiles à surmonter — décès, divorce, important conflit professionnel, chômage… — vont la déclencher.

La vraie dépression handicape gravement le fonctionnement quotidien : fuite dans le sommeil et/ou insomnies, asthénie, pertes de mémoire, disparition de toute motivation, incapacité à assurer les actes de tous les jours, repli sur soi, morbidité... Pire, vous devenez quelqu'un d'autre et votre entourage, proche ou périphérique, a non seulement du mal à vous reconnaître mais aussi à tolérer ce changement. D'où un tragique effet de spirale.

Les Français ne sont pas les plus dépressifs du monde

Tout comme le chômage qui peut le déclencher, notre société sous domination masculine — qui érige la performance et la réussite comme valeurs premières — considère l'épisode dépressif comme une maladie honteuse. Avoir le cancer est nettement plus noble. De haut en bas de l'échelle sociale, s'ils n'adoptent pas eux-mêmes la politique de l'autruche, les dépressifs sont culpabilisés, stigmatisés ou déniés.

La grande tradition du benchmarking, astuce consistant à comparer la France avec ses voisins pour mieux la dénigrer et généralement utilisé à des fins mensongères, enfonce le clou : à travers le refrain du mal-être des Français — que Jacques Marseille adore pour chanter ses théories — qui seraient les champions du monde de la consommation de psychotropes, on assiste à «la forme contemporaine du déni de la maladie mentale. C'est une autre manière de dire que ça n'existe pas ou que c'est une maladie de confort», dénonce le professeur Jean-Pierre Olié au cours de l'émission. Et de tordre le cou à cette propagande fort utile quand il s'agit d'instaurer des déremboursements, des franchises médicales et autres restrictions de soins... Selon le psychiatre, «nous sommes, surtout, les champions du monde de consommation de médecine», disposant d'un système de santé que l'univers nous envie. Univers qui affiche un taux de prévalence ponctuelle d'environ 6% pour la maladie dépressive, soit le même qu'ici bas (il n'y a donc pas plus de dépressifs dans l'Hexagone qu'ailleurs) tandis que les antidépresseurs représentent 5,5% de nos prescriptions.

Jean-Pierre Olié insiste : toutes les études démontrent qu'il existe en France une bonne adéquation entre la morbidité et la prescription d'antidépresseurs. Ce qui signifie que ce qui est consommé l'est à bon escient. Ce qui signifie qu'en réalité, ce sont plutôt nos voisins qui sous-estiment et sous-traitent la maladie.

Comment se soigner ?

On le répète : une fois l'épisode dépressif détecté, c'est un leurre de croire qu'on va s'en sortir tout seul. Un traitement médicamenteux et une psychothérapie sont nécessaires.

En ce qui concerne les médicaments, il faut savoir que, contrairement aux anxiolytiques (type Xanax, Temesta, Valium, Lysanxia, Tranxène…) et aux somnifères, véritables cochonneries qui instaurent une dépendance aussi rapide que forte, les antidépresseurs ne génèrent aucune accoutumance : on peut donc suivre un traitement de très longue durée en toute quiétude. Par contre, l'antidépresseur prescrit peut ne pas convenir : il est impératif de retourner voir son médecin pour en changer. Idem pour le psy qui vous suit : si ça ne «passe» pas, il faut en essayer un autre, voire un autre encore, jusqu'à trouver le bon. Le traitement doit être sur-mesure. СС dumps

Autre forme de thérapie quand on est au chômage : passer à l'action. Notamment aller voir les associations de chômeurs pour réaliser qu'on n'est pas tout seul. (La vie associative est un facteur de résilience : c'est le psychanalyste Boris Cyrulnik qui le dit.) Se battre pour ses droits et militer contre l'injustice sociale redonne du sens à la vie. Faire du bénévolat est aussi un bon moyen de se sentir utile et de ne pas se «désociabiliser».

Nous conclurons sur les paroles de Patrick, 57 ans, qui a accepté d'apporter son témoignage à l'émission. «Ceux qui n'ont pas vécu une dépression ne peuvent pas comprendre ce que c'est», dit-il. (Dans cette phrase, on peut aussi bien remplacer le mot "dépression" par le mot "chômage".) Si cette épreuve qu'il continue d'endurer l'a profondément changé, c'est en bien : «La dépression rend tolérant, on en sort peut-être meilleur. On comprend mieux les autres». Comme quoi !

SH
Mis à jour ( Mardi, 17 Septembre 2013 04:29 )  

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