L’épuisante «carrière longue» d’Eric Woerth

Mercredi, 09 Juin 2010 11:27
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La blogueuse Mémé Kamizole a enquêté sur l'homme qui va tenter de mettre à bas notre régime de retraite...

Le ministre du Travail m’a suffisamment indignée par son cynisme au sujet des carrières longues et pénibles — pour la retraite anticipée, un salarié devra prouver qu’il est «usé», selon Libération du 3 juin 2010 — pour que je m’intéresse à son propre cas. Quelle connaissance réelle a-t-il du monde du travail et d’où parle-t-il pour oser dire — et même penser ! — toute honte bue : «Quand vous avez eu des difficultés dans votre boulot, que vous êtes abîmés physiquement, usés physiquement, et qu’on peut le prouver évidemment, alors il faut en tenir compte aussi», indiquant envisager «une logique d’individualisation» car la pénibilité «peut avoir des effets différents sur différentes personnes» et qu’il faut «en vérifier les effets».

Vérifier les effets ? Mais c’est bien sûr ! Si l’ouvrier qui a commencé à travailler entre 14 et 17 ans et s’est coltiné les emplois les plus pénibles, si l’infirmière qui n’en peut plus du travail de nuit ou autres conditions éreintantes, etc. (la liste des emplois pénibles étant inépuisable…), n’en peuvent plus à 55 ou 60 ans, il faut s’assurer qu’ils n’ont pas encore tout à fait un pied dans la tombe pour être bien certain de les achever avant qu’ils ne bénéficient trop longtemps de leur retraite : c’est que ça coûte !

Pour oser proférer pareille insanité (…), l’actuel ministre du Travail — après le Budget à Bercy — doit être certainement un expert en matière de carrière longue et pénible. Il ne m’en fallait pas moins pour aller ausculter sa fiche sur Wikipedia… Bingo !

«Chez ces gens-là, on ne pense pas, on compte»

A 56 ans et une vie entière passée dans les chiffres, le ministre du Travail doit être au bord du burning out… Jugez du peu : après d’épuisantes études — HEC et Sciences Po —, il a consacré toute sa vie professionnelle à la finance. J’ai eu sacrément envie de rire en lisant qu’en 2002, il avait «renoncé à sa carrière dans le privé pour assumer la direction financière de la campagne présidentielle de Jacques Chirac»… Quelle abnégation !

Tu parles : c’est juste qu’il n’avait plus de taf ! J’explique : Eric Woerth était un dirigeant du cabinet Arthur Andersen, spécialisé dans l’audit d’entreprises. Or, je ne sais s’il vous en souvient mais j’ai quant à moi une mémoire d’éléphante : Arthur Andersen fut liquidé en 2002 après que son intégrité eût été mise en cause dans le scandale de la faillite d’Enron, géant américain de l’électricité. J’en avais le plus vif souvenir pour en avoir lu à l’époque les croustillants détails dans deux articles du Monde Diplomatique. Le premier, de Thomas Franck en février 2002 Enron aux mille et une escroqueries, sous-titré «déréglementation et trafics d’influence», et le second de Serge Halimi en mars 2002, Un scandale presque légal. Le plus marrant dans l’affaire étant sans nul doute le slogan d’Arthur Andersen «Think straight, talk straight» que je traduirais par “Penser droit, dire droit”… Pour la rectitude, prière de repasser !

Certes, Eric Woerth n’était pas directement lié à cette affaire — il y en eut d’ailleurs bien d’autres : Parmalat, géant italien du lait, WorldCom, etc… qui précipitèrent les grands cabinets d’audit dans la tourmente —, mais toujours est-il que sa carrière privée s’était arrêtée sans qu’il en fît le sacrifice pour l’amour de la politique ou de Jacques Chirac.

Le grand argentier du RPR puis de l’UMP s’y connaît surtout en matière de gros sous. Il lui fut d’ailleurs reproché naguère d’être à la fois ministre du Budget, trésorier de l’UMP, et chargé de collecter l’argent des riches donateurs de l’UMP...

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Mis à jour ( Mercredi, 09 Juin 2010 11:32 )