Le Medef et le "coût du travail"

Mercredi, 24 Janvier 2007 12:35
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L’organisation patronale fait fi des réalités en attaquant exclusivement le «coût du travail».

Le MEDEF tiendra son «assemblée générale exceptionnelle» jeudi au Palais omnisports de Paris Bercy : 5.000 chefs d’entreprise y sont attendus. À la veille du débat électoral, Laurence Parisot, qui dirige l’organisation patronale depuis le 5 juillet 2005, accordait une interview au Parisien hier. Le ton est donné : poursuivant la démarche politique de son prédécesseur Ernest-Antoine Seillière, Laurence Parisot développe une série de propositions visant, selon elle, à «donner de l’air à notre pays». Elle publiera à l’occasion de l’assemblée générale de jeudi un livre intitulé "Besoin d’air".

De la droite au MEDEF, le mot a été donné : asséner des contrevérités sur le coût du travail pour bien cadrer le débat public. L’entretien donné par Laurence Parisot hier au Parisien est un concentré à lui seul de ce qui se fait de mieux en la matière. La présidente du MEDEF met allégrement de côté la réalité des chiffres pour déverser le discours idéologique le plus cru qui soit.

1. Le coût du travail

Qu’est-ce qui plombe le développement des entreprises et de l’emploi ? «Une seule explication : en France, la fiscalité et les charges sont les plus élevées au monde. (...) La vérité est que l’état actuel de la fiscalité empêche d’augmenter les salaires», répond Laurence Parisot.

Outre un débat qui n’est pas clos sur les comparaisons internationales en terme de poids de la fiscalité, le discours convenu et rabâché depuis des années sur les impôts et les «charges sociales» fait fi des réalités. Les données de l’INSEE (comptes d’exploitation des sociétés non financières) sont instructives si l’on s’intéresse à deux principaux prélèvements sur la valeur ajoutée : les «charges sociales» et les «charges financières». En ajoutant les «impôts sur les salaires» aux «cotisations sociales employeurs», on obtient les "charges sociales"» au sens large. Elles ont augmenté d’environ 48% de 1993 à 2005. Par comparaison, les «charges financières» (intérêts prélevés par les banques et dividendes prélevés par les actionnaires) ont augmenté de 84% sur la même période.
Alors que les premières servent à financer la protection sociale des personnels dans le cadre d’un système de solidarité intergénérationnel, les «charges financières» sont, elles, un prélèvement rentier sur la valeur ajoutée de l’entreprise, elle-même créé par les salariés. La seule évolution des dividendes est faramineuse : + 218% entre 1993 et 2005. Par comparaison, la masse des salaires distribués n’a augmenté que de 135% sur la même période.

Moralité : premièrement, la rente paie plus que le travail. Deuxièmement, les entreprises et l’emploi sont de plus en plus pénalisés non par le «coût du travail» mais par le poids des «charges financières» devenant exorbitant. D’ailleurs, si les «charges sociales» et la fiscalité empêchaient réellement l’augmentation des salaires, pourquoi les salaires stagnent autant actuellement alors que les exonérations de cotisations sociales employeurs n’ont jamais été aussi massives (23 milliards d’euros aujourd’hui) ?

2. «Ma p’tite entreprise» et le MEDEF

Laurence Parisot a raison de le souligner : «À l’exception des groupes du CAC 40, les taux de marge de la plupart des entreprises françaises diminuent depuis près de dix ans.» Il s’agit bien des petites et moyennes entreprises (PME) dont la situation est loin d’être aussi florissante que celles du CAC 40. Avec 99% des entreprises représentées (chiffres 2001), 59% des salariés, 63% de l’emploi total et 53% de la valeur ajoutée, les PME sont effectivement un enjeu crucial.

À la question : pourquoi sont-elles aussi nombreuses à connaître des difficultés, Laurence Parisot a toujours la même réponse : ce satané coût du travail, et les 35 heures. Bien qu’elle soit elle-même à la tête d’une PME (IFOP), Laurence Parisot n’en est pas moins la représentante d’une organisation dont le comité exécutif est dominé par les grands groupes (BNP Paribas, Bouygues, etc…) et les grosses fédérations industrielles (alimentaires, transport etc…). Rien d’étonnant alors que le MEDEF se cache derrière les 35 heures et le coût du travail pour éviter les sujets qui fâchent : les relations entre les PME d’un côté, et les donneurs d’ordres et les banques de l’autre. Le sujet est complètement tabou au MEDEF (voir notre enquête dans l’édition du 2 juillet 2004). Et pour cause. Les responsables de PME le disent eux-mêmes : ils sont plus préoccupés par les délais de paiement des donneurs d’ordres et les avances de trésorerie refusées par les banques que par les 35 heures et la fiscalité.

(Source : L'Humanité)

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Mis à jour ( Mercredi, 24 Janvier 2007 12:35 )