Attaques terroristes, immigration, place de l'islam : Doit-on relativiser ?

Mardi, 19 Juillet 2016 15:23
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Extraits d'une discussion menée sur les forums d'Actuchomage à propos de sujets qui interrogent la France.

altRoroc écrit : Je me permets un petit pas de côté, pour relativiser un peu ces histoires de terrorisme.

N'oublions pas que, rapporté à sa population, le pays d'Europe occidentale qui a payé le plus lourd tribu ces dernières années en termes d'individus massacrés par un fou furieux terroriste, c'est… la Norvège.

Et que le fou furieux en question n'était pas bronzé, ni même musulman. Et que les Norvégiens s'en sont remis. 80 gamins massacrés dans un pays de 5 millions d'habitants, ça reste, proportionnellement à la population, bien supérieur à toutes les morts liées au terrorisme que la France a subies ces 50 dernières années, cumulées.

Et quelle est la plus grosse tuerie de masse de ces 20 dernières années en Europe occidentale (à ma connaissance) ? C'est le crash volontaire Germanwings, œuvre d'un déséquilibré... tout sauf musulman.

Sinon, on a encore, annuellement, en France, 11.000 morts du fait d'accidents domestiques, 3.500 sur les routes, et probablement autour de 50.000 décès prématurés directement liés à la pollution de l'air. Comme le gamin de 11 ans d'une connaissance, qui vient de décéder d'un arrêt cardiaque. Visiblement très lié à la qualité déplorable de l'air parisien d'après les services médicaux. Bref.

Je n'ai franchement pas l'impression que nos principaux soucis, qu'il convient quand même de relativiser un minimum, proviennent d'une invasion largement imaginaire d'étrangers (la France ayant été reléguée au milieu, voire fond du classement européen en termes d'accueil d'étrangers rapporté à sa population) ou de telle origine ethnique d'une partie de la population française ou de telle religion. Religion qui soit dit en passant me parait bien davantage susceptible de servir d'alibi à tels et tels fous furieux, plutôt que d'être véritablement à l'origine de leur pensée malade.

Et sur l'incivisme de banlieue (qui je pense a toujours existé), c'est vrai que certains jeunes de cité sont des boules de rage (même si pour 99% d'entre eux ça ne suffit pas à commettre des actes vraiment irréparables). Personnellement, ça me parait tellement évident que la raison est avant tout sociale. Des gamins traités comme des merdes depuis leur plus jeune âge, y compris par les représentants de l'ordre, ont effectivement moins de chances que la moyenne de devenir de jeunes adultes pacifiés… Vous est-il déjà arrivé de rater un rendez-vous important parce qu'un enfoiré en uniforme a jugé marrant de vous faire poiroter une grosse demi-heure pour un contrôle d'identité bidon, en se permettant de vous insulter au passage ? Sachez que c'est le quotidien de dizaines, voire de centaines de milliers de jeunes Français un peu colorés vivant au mauvais endroit. Et ça n'est bien sûr qu'un exemple parmi de multiples autres. Et pourtant seule une petite minorité d'entre eux dérape vraiment.

Sait-on par exemple que la France a un des taux d'encadrement les plus faibles de l'OCDE dans ses écoles primaires (si ce n'est le plus faible) ? Que même le taux d'encadrement en zone prioritaire reste très inférieur au taux moyen de l'OCDE ? Que pas mal d'études ont confirmé l'importance de cet encadrement pour les élèves en bas âge, pour limiter la proportion d'échecs scolaires critiques qui bien souvent mènent à la délinquance ? Sans parler de la quasi-absence de formation (à l'enseignement) de nos profs des écoles, qui trop souvent ne savent pas quelle attitude adopter devant des gamins susceptibles de poser problème.

Bon, je m'arrête là, même si bien sûr il y aurait encore beaucoup de choses à dire, par exemple sur notre système judiciaire à la masse et en manque de moyens humains, qui punit mal et trop lentement, comme le faisait justement remarquer Statovore.

Yves lui répond : Voilà une contribution de très haute volée. Cependant, j'y adjoins quelques bémols.

L'enchaînement INÉDIT des événements depuis une dizaine d'années : Émeutes des banlieues, Gang des Barbares, tueries de Montauban et Toulouse (affaire Merah), attaque d'un soldat à La Défense (tentative d'égorgement), tuerie du Musée juif de Bruxelles (par Mehdi Nemmouche, un franco-algérien), attaque du commissariat de Joué-les-Tours (3 blessés graves), attaque à Dijon (un individu fonce dans la foule pour les "enfants palestiniens"), même chose à Nantes (1 mort), attaques contre Charlie et l'Hyper Casher, policière municipale assassinée à Montrouge, attaque de Nice contre 3 militaires (déjà !), préparation avérée d'une attaque contre deux églises de Villejuif, décapitation de Saint-Quentin Fallavier, attaque du Thalys, massacres du Bataclan et des terrasses, attaque contre des militaires à Valence, un homme abattu devant le commissariat de la Goutte d'Or à Paris, attaque à la machette à Marseille d'un professeur de confession juive, attaque à la voiture bélier du commissariat de Firminy, attaque contre un militaire à Strasbourg, meurtres de Magnanville (deux policiers tués chez eux), camion fou de Nice. La grande majorité de ces faits relevant après enquête "d'intentions terroristes"

Sans compter une dizaine de tentatives de grande ampleur projetées et déjouées contre des clubs échangistes, des églises, un club naturiste, des touristes anglais et américains, la Cathédrale de Saint-Denis, la base navale de Toulon… J'en passe. Y'a pas de quoi se poser quelques questions ?

Si les actes terroristes ont toujours frappé la France, ils étaient généralement l'œuvre de groupuscules autonomistes (basques, corses, bretons) et se limitaient à la destruction de biens matériels. Quand il y a eu des morts, les attaques étaient généralement menées, dans les années 70, 80 et 90, par des activistes étrangers : Palestiniens, Iraniens, Kurdes, Algériens… (On relèvera quand même qu'il s'agissait déjà de musulmans).

Voilà ce qui a changé : la fréquence des attaques et leurs auteurs… aujourd'hui FRANÇAIS.

• Tu évoques le facteur "social" mais les conditions de vie sont-elles aujourd'hui plus difficiles qu'il y a 15 ou 20 ans pour une partie de la jeunesse ? Je n'en suis pas convaincu. Pour moi l'explication est ailleurs !

• Tu parles aussi de "persécutions ou tracasseries policières" dès lors qu'on est "coloré" (je te fais remarquer qu'il y en a beaucoup de flics de couleur à présent). Personnellement - je te garantis que c'est la vérité - quand j'avais 20 ans j'étais régulièrement contrôlé par la police, fouillé et palpé dans le métro devant tout le monde (très humiliant !), alors que j'étais blond, très blanc de peau, tout ça parce que je portais un Perfecto et des Santiags (un look qui, à l'époque, désignait un délinquant potentiel).

Comme je l'ai écrit plus haut, moi et mes potes on fermait notre gueule, surtout quand on avait quelque chose "à se reprocher" : genre barrette de shit, un peu de poudre, un poing américain… ou qu'on avait cassé une vitrine. ON FERMAIT NOTRE GUEULE ! Jamais il ne nous serait venu à l'idée de traiter un flic de "fils de pute", "d'enculé" (même si on le pensait très fort) ou de le menacer de mort. Aujourd'hui, c'est courant, banal. Dès qu'un jeune (pas forcément originaire des cités) se fait contrôler ou tauper, il conteste, il ramène sa gueule, il insulte.

• Pour finir, tu notes qu'il n'y a pas "d'invasion étrangère", que la France végète au fin de fond du classement européen en termes d'accueil. Probablement, sans doute. Mais pour quelle raison ? Parce que l'accueil des populations étrangères - à grande échelle, notamment par le regroupement familial - a commencé en France bien avant d'autres contrées (l'Espagne, l'Italie, les pays du Nord, l'Irlande, l'Allemagne - en Allemagne de l'Est l'immigration était inexistante jusqu'à la chute du Mur de Berlin). Donc la plupart de ces gens sont français depuis belle lurette. Les statistiques ethniques et religieuses étant interdites en France, on a une idée très approximative des répartitions. Sans compter deux aspects importants : la libre circulation des hommes dans l'espace Schengen et les flux clandestins - donc difficile de fournir des chiffres fiables.

Selon l'Insee (qui émet toutes sortes de réserves sur ces propres données pour les raisons évoquées plus haut) : 200.000 personnes entreraient chaque année en France, OFFICIELLEMENT. Si tu extrapoles ce chiffre, sur 10 ans, ça fait 2 millions. Sur 20 ans : 4 millions. Sur 30 ans : 6 millions. Et l'immigration officielle n'a pas commencé en 1986. Évidemment, il y en a qui partent. Là encore les chiffres sont approximatifs puisque les gens ne le déclarent pas.

Sans parler "d'invasion étrangère", quand on raisonne sur de telles données, on comprend que les flux migratoires sont de très grande ampleur depuis des décennies. Je le reprécise ici : Ça ne me pose aucun problème dès lors que ces populations n'importent pas le ferment de conflits supplémentaires. Dans le cas qui nous intéresse, le poids grandissant de l'Islam en France suscite des tensions… qui existent dans les pays musulmans eux-mêmes, ne l'oublions pas ! Donc je ne vois pas pourquoi nous y échapperions. (…)

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Mis à jour ( Mercredi, 10 Août 2016 09:38 )