«La semaine de 4 jours créerait 1,6 million d'emplois»

Mercredi, 07 Mars 2007 09:32
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Extraits d'un débat avec Pierre Larrouturou, candidat à l'élection présidentielle et délégué national du PS à l'Europe, sur www.lemonde.fr

Alix : Vous êtes délégué national du PS ? Pourquoi ? Et pourquoi ne soutenez-vous pas Ségolène Royal ?

Pierre Larrouturou : Je soutiens Ségolène Royal, j'appelle à voter pour elle dès le premier tour. Mais je pense que sur certaines questions, le chômage, l'Europe en particulier, le projet du PS n'est pas à la hauteur des enjeux, et voilà pourquoi nous avons créé le collectif Urgence sociale, et voilà pourquoi je suis candidat : pour faire connaître nos propositions. [...] Il y a un vrai risque de récession aux Etats-Unis qui provoquerait une récession mondiale. Sur les questions sociales, sur l'Europe, il nous paraît fondamental d'avoir des réponses beaucoup plus ambitieuses que celles du PS.

sa45 : Comment voulez-vous que les entreprises soient compétitives en travaillant moins et donc en augmentant le prix de la main d'œuvre (puisque je pense qu'il y aura maintien des salaires) et comment voulez-vous que les entreprises embauchent ? N'allez vous pas au contraire contraindre les entreprises à délocaliser à l'étranger. Nous sommes actuellement le pays qui travaille le moins. Ne serait-il pas logique d'augmenter notre temps de travail ?

Pierre Larrouturou : Vaste question... Nous ne sommes pas le "pays qui travaille le moins". Tous nos pays vont en moyenne vers 30 heures par semaine. La durée moyenne du travail (tous emplois confondus) est de 29,9 heures aux Pays-Bas et de 33,7 heures aux Etats-Unis. Dans tous nos pays, on a amélioré la productivité, dans tous nos pays, on a besoin de moins de travail pour produire plus. La question est de savoir si on y va par de la précarité, comme aux Etats-Unis ou au Japon, ou par un mouvement bien négocié. En passant à quatre jours, l'entreprise n'augmente pas ses coûts de production.
Plus de 400 entreprises sont déjà passées à quatre jours et ont prouvé que c'était possible. Chez Mamie Nova, le prix du yaourt n'a pas augmenté d'un centime mais le passage à 4 jours a permis de créer 120 emplois. Si l'entreprise passe à 4 jours et crée au moins 10% d'emplois nouveaux en CDI, elle a une exonération de 8% des cotisations. Les plus faibles salaires ne perdent rien, les cadres et les commerciaux perdent 2 ou 3%. Encore une fois, la semaine de 4 jours est déjà une réalité dans 400 entreprises. Une étude du ministère du travail estime qu'un mouvement général, avec le financement que nous proposons, pourrait créer 1,6 million emplois.

paglop : Quel est le vrai bilan des 35 heures ? Combien d'emplois créés pour quel coût ?

Pierre Larrouturou : En janvier 1998 j'avais publié un livre - "35 heures, le double piège" - dans lequel je soulignais les limites des 35 heures. En réalité, avec la première loi Aubry, les accords 35 heures ont permis de créer des emplois en donnant une vraie réduction du temps de travail (RTT) aux salariés, et sans abîmer l'entreprise. Hélas, avec la deuxième loi Aubry, qui a concerné la majorité des salariés, on pouvait signer un accord 35 heures et rester à 38 heures de durée réelle, et les exonérations ont coûté très cher à l'Etat alors qu'il n'y avait aucune obligation de créer des emplois. Au total, selon l'INSEE, la durée réelle du temps de travail n'a baissé que de 4% en moyenne. Le mouvement a créé entre 300.000 et 350.000 emplois. C'est mieux que le bilan de la droite (les 200.000 emplois Borloo sont en moyenne à 15 heures par semaine), mais ce n'est pas suffisant pour traiter le chômage de masse.

PrésidentYuFungLAM2007 : Je n'aime pas cette question car la loi même des 35 heures n'empêche pas de travailler plus. Je détourne la question : On travaille plus mais on ne gagne pas beaucoup d'argent. Doit-on baisser les charges pour inciter les salariés à travailler plus et augmenter leur pouvoir d'achat ?

Pierre Larrouturou : Tant qu'il y aura 4 millions de chômeurs et des millions de précaires, la négociation sur les salaires dans beaucoup d'entreprises se limitera à "si t'es pas content, tu peux aller voir ailleurs". De ce fait, depuis vingt ans, chaque année, ce qui va aux salaires dans le PIB diminue un peu. La part des salaires dans le PIB représentait 79% en 1982, elle ne représente plus que 67% (source Insee). C'est un recul considérable. Cette année, quelque 200 milliards d'euros vont aller aux bénéfices, alors qu'ils iraient aux salariés si l'on avait gardé l'équilibre du marché du travail de 1982. Le seul vrai moyen de relancer les salaires, c'est de lutter radicalement contre le chômage pour permettre à tous les salariés de négocier vraiment le contenu et la valeur de leur emploi. Depuis vingt ans, on a multiplié les baisses de charges sans que l'effet sur l'emploi soit vraiment important. Et il faut bien financer les hôpitaux, les retraites. Supprimer complètement les charges n'est pas possible.
Pour élargir les contraintes, on devrait créer au niveau européen un impôt sur les bénéfices. Jamais les bénéfices n'ont été aussi importants, mais jamais on a autant baissé l'impôt sur les bénéfices. Aux Etats-Unis, le taux moyen d'impôt sur les bénéfices est aujourd'hui de 40%, il n'est plus que de 25% en Europe. Quinze points de moins ! Aucun pays ne peut tout seul augmenter son impôt sur les bénéfices de 15 points, mais rien de nous empêche de créer un impôt européen. Si le budget européen était financé par un impôt européen sur les bénéfices, les 18 milliards d'euros que la France met cette année dans le "pot" européen pourraient rester en France et servir à financer la protection sociale ou le logement.

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