Actu Chômage

jeudi
28 mars
Taille du texte
  • Agrandir la taille du texte
  • Taille du texte par defaut
  • Diminuer la taille du texte
Accueil La revue de presse Ces boîtes privées qui ne chôment pas grâce à Pôle Emploi

Ces boîtes privées qui ne chôment pas grâce à Pôle Emploi

Envoyer Imprimer
Le suivi de milliers de chômeurs est confié à des sous-traitants qui se battent pour proposer le prix le plus bas. Qualité garantie...

Faute de pouvoir venir en aide à tous les chômeurs, toujours plus nombreux, Pôle Emploi fait le bonheur et la fortune de quelques entreprises privées sous-traitantes. Depuis 2009, plusieurs grosses boîtes et, surtout, une myriade de PME exploitent le filon des missions d'insertion et gonflent plus vite que la grenouille de la fable. Quitte à exploser en vol, en laissant des chômeurs en rade...

Tout le monde vient à la gamelle : en 2010, le total des prestations confiées par Pôle Emploi à des opérateurs privés a atteint le fabuleux montant de 440 millions d'euros ! Les sous-traitants assurent le suivi «simple», qui consiste à recevoir les chômeurs à la place de Pôle Emploi (tous les mois ou tous les quinze jours) pour les aider à trouver un stage ou un boulot. Ils se voient aussi confier des missions ponctuelles : ateliers de CV et de techniques d'entretien, bilans de compétence, «évaluations préalables à la création d'entreprise», etc. Entre 2009 et 2011, quelque 320.000 chômeurs ont ainsi été «accompagnés».

Ascension foudroyante

Claf, une PME toulousaine, est l'un des plus beaux exemples des ébouriffants succès de cette filière. Par la grâce des marchés publics, cette société «de formation et d'accompagnement» a grandi à la vitesse d'une courbe du chômage : 30 salariés en 2009, et 640 aujourd'hui ! Au passage, son fondateur, un certain Arnaud Bertrand, a fait coter sa merveille en Bourse. En un an, le cours de l'action Claf a été multiplié par 10… avant de s'écrabouiller. Car la belle histoire tourne au vinaigre : la boîte est en cessation de paiements depuis le 5 avril. Simple «crise de croissance», explique le pédégé, «tout va rentrer dans l'ordre».

Sauf que la boîte a perdu des marchés : en Charente-Maritime, la direction régionale de Pôle Emploi a mis fin à un contrat de 900.000 euros en février 2011. Claf y dispensait des formations dans des conditions optimales : en guise de local, un magasin de meubles sans chauffage pendant deux mois... Pas rancunier, Pôle Emploi a finalement rempilé avec cet efficace opérateur.

L'exécution de ces mirobolants marchés est censée être contrôlée. Pôle Emploi passe ainsi au crible les CV de tous les conseillers d'insertion employés par les sous-traitants. Rassurant. Ou presque : «Dans mon agence, nous ne sommes que deux sur huit à avoir été "habilités", raconte une salariée de Claf. Du coup, mes collègues utilisent ma signature sur les documents de suivi envoyés à Pôle Emploi.» Qui n'y voit que du feu ? Interrogé par Le Canard, le pédégé, Arnaud Bertrand, hausse à peine un sourcil : «Vous me l'apprenez, je vais vérifier.»

Au passage, il pourra aussi vérifier cette autre calomnie : «On nous demande de mettre les chômeurs en "abandon" dès que Pôle Emploi a payé la moitié de la prestation», explique Marina. Cette salariée s'occupe du dispositif "Trajectoire vers l'emploi", qui consiste à accompagner un chômeur pendant six mois : «C'est payé 1.600 euros. La moitié dès qu'on renvoie les documents administratifs. Le reste, c'est 25% si la personne trouve un boulot, et 25% si elle travaille toujours six mois plus tard. Mais cette deuxième partie n'est pas rentable.» Mieux vaut laisser tomber le solde… et le chômeur.

Caroline, elle, a roulé sa bosse chez cinq de ces sous-traitants (Ingeus, USG Restart, Assofac, Claf et ID Formation), presque toujours payée au lance-pierre : «1.200 euros net, 20% de moins que la convention collective.»

Fuite à l'anglaise

Tous ces pros rivalisent d'imagination pour tondre Pôle Emploi. «Chez l'un, on m'a demandé de faire signer les chômeurs pour des entretiens de suivi qui n'avaient jamais eu lieu.» Caroline a refusé la magouille. Virée. Chez un autre, elle a eu la bonne surprise de voir débouler un contrôleur de Pôle Emploi : «II avait annoncé sa visite. Du coup, le patron a amené tout ce qu'il fallait : les fiches métiers qu'on doit mettre à la disposition des chômeurs, des brochures, une bouilloire, un micro-ondes. Et hop ! le soir, il a tout remballé : le même kit servait pour toutes ses agences !»

En mars, des centaines de chômeurs parisiens sont restés plusieurs semaines le bec dans l’eau. Le sous-traitant, Esccom, une boîte débarquée de Nice, s'est carapaté. Pôle Emploi lui avait attribué huit marchés d'un coup : au cours des trois prochaines années, 17.000 chômeurs à accompagner ! La boîte a eu les yeux plus gros que le ventre. Elle avait deux mois pour trouver des locaux, recruter des dizaines de salariés, tisser un réseau auprès des employeurs du coin.

Il lui manquait peut-être une formation ? Vite, un appel d'offres...

Isabelle Barré - Le Canard Enchaîné du 9/05/2012

Lire aussi :
Articles les plus récents :
Articles les plus anciens :

Mis à jour ( Vendredi, 11 Mai 2012 02:28 )  

Votre avis ?

Les forums d’Actuchomage rouvrent leurs portes le 12 octobre. Ça vous inspire quoi ?
 

Zoom sur…

 

L'ASSOCIATION

Présentation de l'association et de sa charte qui encadre nos actions et engagements depuis 2004.

 

ADHÉRER !

Soutenir notre action ==> Si vous souhaitez adhérer à l’association, vous pouvez le faire par mail ou par écrit en copiant-collant le bulletin d’adhésion ci-dessous, en le ...

 

LES FONDATEURS

En 2004, une dizaine de personnes contribuèrent au lancement de l'association. Elles furent plusieurs centaines à s'investir parfois au quotidien ces 16 dernières années. L'aventure se pou...