«Pôle Emploi est devenu un service public low cost»

Vendredi, 20 Avril 2012 13:03
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Tel est l'affirmation du SNU-Pôle Emploi, premier syndicat maison, qui dénonce les dégâts d'une fusion menée au pas de charge et un sous-effectif patent.

Pour la première fois de son histoire, le SNU-Pôle Emploi appelle à battre la droite aux présidentielles au motif que certains candidats prônent «une politique coercitive, voire raciste à l’égard des chômeurs et des chômeuses». Porte-parole du gouvernement, Nathalie Kociusko-Morizet accuse le syndicat de «violer son devoir de neutralité». Membre du bureau national, Jean-Charles Steyger s'en explique à Marianne.

NKM vous accuse de violer votre «devoir de neutralité» en appelant à voter contre la droite dès le premier tour de la présidentielle. Que lui répliquez-vous ?

Nous sommes sidérés que NKM ne comprenne pas notre engagement. Tout au long de son quinquennat, le chef de l'État et sa majorité n'ont jamais eu de stratégie pour combattre l’explosion du chômage en France. Pire, depuis 2007, nous avons du prendre en charge un million et demi de demandeurs d'emplois supplémentaires sans moyens correspondants. Pôle Emploi a régressé au point de devenir un service public low cost incapable de recevoir, d’encadrer, de former ou même d’indemniser dans de bonnes conditions les chômeurs. Une dégradation que nous n’avions jamais enregistrée lorsque Jean-Pierre Raffarin était Premier Ministre !

Quels sont les principaux travers selon vous, de ce Pôle Emploi «low cost» ?

Imposée au pas de charge, la fusion ANPE-Assedic se solde par la fermeture de 900 agences sur tout le territoire. Principalement dans les centres villes, puisque la politique immobilière de Pôle Emploi vise à nous regrouper sur des sites de 100 personnes, installés en périphérie dans les zones d’activité. Nous avons donc perdu en proximité. Les chômeurs ne sont reçus qu'épisodiquement par leurs conseillers en entretien, et 20 minutes pas plus. Le reste du temps, ils doivent gérer leur situation sur Internet. Or, seuls 45% d’entre eux sont véritablement autonomes sur ce média !

A tous les niveaux, cette industrialisation de nos pratiques génère erreurs et incompréhensions. D’autant plus insupportables que lorsque nous indemnisons trop largement des demandeurs d’emploi, désormais nous récupérons ce trop perçu sans négociation ni échéancier. Au risque de les plonger dans une extrême précarité. Il faut donc, de toute urgence, ré-humaniser Pôle Emploi en recrutant massivement !

Vous dénoncez également le cynisme des ministres du travail qui se sont succédés. A quelles pratiques faîtes vous référence ?

Nous avons constamment souffert d’une absence de stratégie et d’une politique de coups. Aussi entendre Laurent Wauquiez — alors que Pôle Emploi n’indemnise que 43% des chômeurs — qualifier de «cancer de la société française» l’absence d’écart entre celui qui bénéficie des minima sociaux et celui qui travaille nous a profondément choqués.

Le retour de Xavier Bertrand rue de Grenelle n’a guère apporté de mieux. Sous la houlette de cet ancien secrétaire général de l’UMP, à la veille de la Présidentielle, les pressions se sont même intensifiées. Par circulaire, le ministre nous a ainsi sommés de prescrire massivement des contrats aidés aux demandeurs d’emplois sur le premier semestre 2012, notamment aux jeunes et aux séniors [220.000 contrats budgétés sur l’année - ndlr], pour embellir les statistiques. Et des préfets se sont invités dans des réunions d’agents de Pôle Emploi. Du jamais vu dans l'histoire de ce service public !

Enfin, le comble du cynisme politique a été atteint lorsque le candidat Sarkozy a proposé aux Français de trancher par référendum sur une question aussi complexe que celle de la formation des chômeurs... Tout cela doit cesser !

(Source : Marianne)

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Mis à jour ( Vendredi, 20 Avril 2012 14:15 )