Pôle Emploi : grâce à la «dématérialisation» du courrier, les radiations vont augmenter

Lundi, 15 Août 2011 03:08
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Amis Chômeurs, attention ! Ne confiez pas votre adresse mail à Pôle Emploi : vous risquez, entre autres, une radiation pour absence à convocation. Témoignage et explications autour d'une avancée technologique plutôt scélérate.

Il est clair qu'avec la dématérialisation des courriers entamée par Pôle Emploi depuis le 20 juin (la période estivale, c'est bien connu, est particulièrement propice aux mauvais coups…) ainsi que les 273.000 contrats aidés qui vont être débloqués à la rentrée, dans les mois qui viennent et à la grande joie de Xavier Bertrand, le chômage va — artificiellement — reculer.

Nous vous avions avertis le mois dernier. Sous couvert de «contribuer au développement durable en limitant les envois de courriers papier» (en réalité, transférer le coût du papier et de l'encre aux chômeurs et augmenter ses "gains de productivité" dans tous les sens du terme…), Pôle Emploi a décidé de transmettre à ses usagers, via leur «espace personnel» sur pole-emploi.fr, la plupart de ses documents (une centaine), des plus banals aux plus décisifs : relevé de situation, dossier de renouvellement semestriel ASS, convocation à entretien et rappel de convocation... L'avertissement avant radiation, qui laisse 15 jours à l'intéressé pour contester sa sanction et se justifier, est lui aussi "dématérialisé", ce qui est gravissime. Seul l'avis de radiation effective, jugé «opposable» [1], continuera à être adressé par voie postale.

Il va sans dire que Pôle Emploi se garde bien d'informer les chômeurs des risques qu'induit leur adhésion à ce nouveau mode de fonctionnement super-moderne et soi-disant écolo. Or, ce mutisme inadmissible est une faute.

Tant pis pour la «fracture numérique» !

A l'instar du gouvernement qui estime que «la crise est derrière nous», son bras armé Pôle Emploi considère que tous les chômeurs disposent d'un équipement fiable à domicile — ordinateur, connexion internet, imprimante — et consultent leur «espace personnel» quotidiennement... Tant pis pour les pannes et les coupures inhérentes à ces technologies !

Il est pourtant notoire que la majorité d'entre eux ne dispose que partiellement, sinon aucunement, de tous ces outils ! Comme nous allons le voir — course à la «modernité» et à la rentabilité oblige —, non seulement Pôle Emploi fait fi de la fracture numérique, mais l'aggrave.

Comment on tombe dans le piège

Dans la foulée et de manière anodine, Pôle Emploi invite ses nouveaux inscrits à fournir un e-mail, ce qui enclenche obligatoirement l'ouverture d'un «espace personnel». Il en va de même pour les plus anciens qui ont, par courriel, récemment et en masse (mais pas tous) été invités à recourir exclusivement aux services accessibles via l'«espace personnel» de pole-emploi.fr, donc à «valider leur adresse électronique» : les avantages ont été vantés, mais les inconvénients tus.

Voici l'histoire de Margaux qui, bien que ne disposant pas chez elle d'un équipement informatique, a commis l'erreur de communiquer une adresse mail à laquelle elle ne peut accéder qu'occasionnellement. Son cas est emblématique.

Margaux est inscrite à Pôle Emploi depuis avril 2011. C'est la première fois qu'elle se retrouve au chômage. Elle s'actualise tous les mois par téléphone et recherche activement du travail. Jusqu'à présent, ses convocations et autres courriers lui étaient adressés par voie postale.

Samedi 6 août, après une impossibilité de plusieurs semaines, elle a enfin l'occasion de consulter sa messagerie électronique et constate que Pôle Emploi lui a écrit pour lui demander de se rendre sur son «espace personnel» afin de prendre connaissance de son contenu. A sa grande surprise, elle découvre qu'elle est radiée depuis le 16 juillet 2011. Elle apprend que cette sanction est due à son absence à un entretien qui avait été programmé le 7 juillet et auquel elle n'a pu se rendre, n'en ayant pas été avisée. Elle découvre aussi un message de rappel pour cette convocation. Par contre, aucune trace d'un avertissement avant radiation.

Lundi 8 août, elle se rend en panique à son agence. L'agent d'accueil lui fait remplir une lettre de contestation, qu'elle lui remet en main propre. Le lendemain, elle reçoit par courrier son avis de radiation effective daté du jeudi 4 août. Complètement affolée, elle retourne mercredi à Pôle Emploi pour savoir ce qu'elle doit faire : l'agent d'accueil lui propose de revenir le lendemain afin d'exposer son affaire à la directrice d'agence, puisque c'est elle qui prend les décisions pour les radiations.

Jeudi 11 août, elle rencontre la directrice et lui explique son cas. Cette femme, l'écoutant à moitié, lui parle d'un ton sec et lui fait comprendre qu'elle la prend pour une menteuse. Elle lui montre sur son ordinateur que la convocation, ainsi que son rappel, ainsi que l'avertissement avant radiation et l'avis de radiation, ont bien été envoyés. Margaux lui confirme qu'elle a bien reçu mardi son avis de radiation par la poste, mais que les précédents courriers ne lui ont jamais été livrés. Sur un ton sarcastique, la directrice a continué de camper sur sa position. Et Margaux, fragilisée de ne pas avoir dormi à cause de ça depuis le samedi précédent, est sortie en larmes de cet entretien infructueux.

Les incidences de la dématérialisation ne lui ayant pas été exposées et le principe du contradictoire ayant été bafoué, elle doit contester sa radiation par d'autres voies, la plus rapide étant de retourner plaider sa cause à son agence accompagnée d'un représentant d'une association de défense des chômeurs qui menacera la directrice de saisir le tribunal administratif en référé-suspension. Nous lui souhaitons bon courage.

Comment l'éviter ?

Désormais, avec Pôle Emploi, c'est tout ou rien ! Comme on l'a vu, si vous disposez d'un équipement à portée de main — ordinateur et imprimante en bon état de marche, connexion internet fiable — qui vous permet de consulter votre «espace personnel» — tous les jours de surcroît, question de précaution… —, vous pouvez dormir sur vos deux oreilles et continuer à jouir des services prodigués, qui sont bien utiles : actualiser sa situation, commander une attestation, déclarer des jours d'absence [2], consulter la date du virement de son allocation sur son compte bancaire, etc. Mais dans le cas contraire, si vous ne pouvez matériellement et financièrement vous plier à l'injonction technologique, non seulement vous n'avez pas accès à l'ensemble des services — pour certains, il faut appeler le 3949 —, mais vous vous exposez à des désagréments !

Si vous avez fourni à Pôle Emploi une adresse électronique alors que vous n'avez pas la possibilité d'accéder à votre messagerie quotidiennement, si vous êtes à l'ASS ou arrivez en fin de droits mais que votre imprimante vous a lâché (vous ne pourrez donc pas imprimer, puis remplir et retourner votre dossier de demande ou de renouvellement dans les plus brefs délais), IL FAUT ABSOLUMENT LEVER L'AUTORISATION D'UTILISER VOTRE E-MAIL.

Pour ce faire, allez dès que possible sur le site pole-emploi.fr, connectez-vous à «Mon espace», allez dans «Mon dossier de demandeur d'emploi» puis dans «Modifier mes coordonnées», et retirez votre e-mail. Votre conseiller ne pourra plus vous écrire (mais rien ne vous empêche de le faire si vous avez déjà ses coordonnées) et l'on ne vous adressera plus d'offres d'emplois (au demeurant plus ou moins fantaisistes…) par ce biais. Mais vous recevrez à nouveau tous vos documents par voie postale.

On le répète : Disposer d'un ordinateur et d'une connexion internet n'est aucunement obligatoire. Avoir un «espace personnel» non plus. Il suffit d'un problème technique — qu'il émane de votre équipement… ou de Pôle Emploi, leur site buggant sans cesse [3], surtout en fin de mois — pour que les ennuis commencent. Et, en tant que chômeur, les ennuis de toutes sortes, vous en avez déjà suffisamment à affronter : ces risques supplémentaires, nous vous conseillons de les éviter, quitte à passer pour un ringard qui marche "à l'ancienne".

Les dégâts occasionnés par cette dématérialisation ont bel et bien commencé, et le cas de Margaux n'est pas isolé. Certains ont bien été avertis par e-mail de la présence d'un document Pôle Emploi à consulter sur leur «espace personnel», mais n'ont rien trouvé dedans quand ils s'y sont rendus : n'ayant pu prendre connaissance de leur convocation et ne se doutant pas que c'en était une, ils ont été radiés. D'autres ont échappé de justesse à la radiation, s'étant rendus par eux-mêmes sur leur «espace personnel» où ils ont eu la surprise de trouver leur lettre de convocation alors que sa présence n'a jamais été annoncée par e-mail, comme il se doit : à deux jours près, ils étaient cuits.

A l'instar de la fusion ANPE/Assedic, chez Pôle Emploi, tout se fait en dépit du bon sens ! Plus que jamais, nous serons vigilants quant à l'évolution des chiffres du chômage et, particulièrement, celui des radiations administratives.

SH

[1] Les courriers dits «opposables» sont des courriers échangés entre deux tiers qui engagent l'une ou l'autre des parties dans le cadre d'une relation relevant d'un rapport juridique, ou peuvent servir de preuve en cas de litige dans le cadre de procédures juridiques. Selon Pôle Emploi, l'avertissement avant radiation relève de la "cuisine interne" et n'en fait donc pas partie.

[2] Vous avez droit à 35 jours calendaires de congés par an, non cumulables d'une année sur l'autre. Il ne faut pas hésiter à y recourir si, par exemple, vous recevez suffisamment à l'avance (en théorie, 7 jours minimum) une convocation à un entretien : outre le fait de l'annuler, cette manœuvre neutralise la procédure de radiation, donc évite les frais de courrier en REC+AR qui en découlent.
En règle générale, pour éviter tout désagrément, même si l'on vous dit que déclarer une absence inférieure à 6 jours n'est pas obligatoire, il faut le faire : nous avons eu des cas où le chômeur est parti s'aérer 3 ou 4 jours et, en rentrant, a trouvé dans sa boîte aux lettres une convocation qu'il a loupée. En cause : la lenteur de l'acheminement...

[3] En cas de problèmes avec le site pole-emploi.fr, n'hésitez pas à téléphoner au 0 970 820 102 (appel non surtaxé) du lundi au vendredi de 8h00 à 17h00.


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