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Vivre avec 800 € par mois quand les banques enfument le monde

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Lundi 11 avril, France Inter reçoit, dans sa matinale, Christine Lagarde. Il s'agit d'un entretien suivi, comme à l'accoutumée, de questions d'auditeurs. Une retraitée expose : elle essaie de vivre avec 800 € par mois et en réalité, sans les fortes privations qu'elle s'inflige, cette somme ne lui permettrait de vivre que quinze jours...

Réponse de la ministre : «Le gouvernement a tout a fait conscience de votre problème, et c'est pour cela qu'il a décidé d'augmenter de 2% les pensions de minimum vieillesse.»

En fait, le gouvernement a augmenté le minimum vieillesse de 4,7% et les pensions, effectivement, de 2%. Notre retraitée va donc percevoir 16 € de plus par mois. De quoi se plaindrait-elle ?

Le meilleur de l'entretien est à venir. Un autre auditeur s'inquiète de la capacité de l'Europe à continuer de venir en aide aux pays débiteurs en difficulté : Grèce, Irlande, demain Portugal, et ensuite ? Réponse (résumée) de la ministre : pas d'inquiétude ! L'Union européenne dispose d'un fonds de soutien de 500 milliards d'euros. Elle a de quoi aider. On en a encore sous le pied !

La petit dame à 800 € n'écoutait peut-être plus la radio. Si elle l'écoutait, elle a dû être sidérée.

Christine Lagarde n'est pas en cause elle-même. Elle participe simplement d'un monde séparé par un vide effectivement «sidéral» de celui, réel, de millions de Français.

Les 800 euros contre les milliards des Etats

Quels discours a, en effet, entendu cette brave dame à 800 € depuis trois ans ?

En 2008 puis 2009, notre chef de l'Etat lui a exposé que, pour éviter la récession, il injectait des dizaines de milliards dans notre économie. Vers la même époque, il lui a aussi expliqué qu'il était contraint d'avancer aux banques des dizaines d'autres milliards pour éviter leurs faillites, tout en critiquant vivement, par ailleurs, leur gestion déplorable qui avait conduit à cette situation.

Il n'y a eu, en France du moins, aucune subvention aux banques : celles-ci ont remboursé les avances et versé des intérêts ; mais entre-temps, les démagogues d'extrême droite et gauche se sont époumonés à répéter qu'il y avait «de l'argent pour les cadeaux aux banques et rien pour les pauvres».

Les profits des banques plus élevés que jamais

Quand arrivent les résultats 2010, la même dame, puisqu'elle écoute France Inter, entend énumérer les résultats faramineux des banques, dont certaines étaient proches de l'agonie deux ans plus tôt :

• 7,8 milliards pour BNP-Paribas ;
• 3,6 milliards pour le Crédit Agricole ;
• 3,2 milliards d'euros pour la Société Générale, presque «ruinée» deux ans plus tôt par l'horrible Kerviel...

Elle entend aussi annoncer que les revenus des dirigeants des banques ont retrouvé à peu près leur niveau antérieur : 1,5 million pour l'un, 2,5 millions pour l'autre… Et aux Etats-Unis, de 10 ou 15 millions par an ! Mais ces malheureux dirigeants de banques ont un petit problème en Europe compte tenu des dispositions sataniques prises par les Etats qui les ont sauvés, deux ans plus tôt : elles leur interdisent de verser les mêmes boni qu'autrefois à leurs traders, ce qui fait fuir ceux-ci en Asie…

Il n'y a d'ailleurs pas que les banquiers. Les chefs des grandes entreprises aussi participent à la fiesta 2010 des millions :

• Franck Riboud (Danone) : 4,4 millions ;
• Bernard Arnault (LVMH) : 3,8 millions ;
• Jean-Paul Agon (L'Oréal) 3,3 millions ;
• Henri de Castries (Axa) : 3,2 millions ;
• Larf Olofsson (Carrefour) : 3,1 millions, comme Gérard Mestrallet (GDF-Suez) ;
• Martin Bouygues : 2,5 millions, à peu près comme Christophe de Margerie (Total) ;
• Denis Kessler (Scor) : 2,3 millions, comme Henri Proglio, à l'époque à Veolia…

Comment ces gens, ou leurs délégués rémunérés à due proportion, peuvent-ils regarder en face et discuter le bout de gras, voire négocier, dans les comités d'entreprise avec les représentants de leurs salariés ? De telles différences de salaires créent des différences de nature. Ces interlocuteurs ne sont plus du même monde. Entre eux s'est créée une sorte de barrière des espèces.

Mais que font-ils de cet argent ?

Par parenthèse, même lorsqu'on a, comme c'est mon cas, dirigé des banques, accueilli et fréquenté des clients très aisés, ayant de hauts patrimoines en gestion, on a quand même du mal à imaginer ce que ces hommes font de telles sommes une fois achetés l'appartement de 300 m2 au centre de Paris ou Bruxelles, la villa à Capri et le chalet à Davos, et consommées les vacances les plus luxueuses.

Ils font gérer les énormes surplus dans des fonds, ce qui accroît un peu plus la sphère financière en même temps que leurs revenus futurs. Rêvons ! S'ils avaient, depuis dix ans, investi chacun, chaque année, la somme — ridicule pour eux — de 300.000/400.000 euros par an, dans une ou deux petites entreprises technologiques en création, la France disposerait largement de sa Silicon Valley... Les inventions attendent dans les labos, comme les docteurs ès sciences.

Les banques étranglent les Etats les plus faibles

Et voici que notre même petite dame à 800 € apprend, en mai 2010, que la Grèce est étranglée par sa dette et que l'Europe et le FMI doivent voler à son secours, pour 45 milliards d'euros. Elle apprend, il y a un mois, qu'il faut d'urgence 24 milliards d'euros à l'Irlande pour racheter – devinez quoi – ses banques, et qu'aujourd'hui c'est le Portugal qui tend la sébile pour 75 milliards.

Comme le dit si prosaïquement madame Lagarde, heureusement que l'Europe «en a encore sous le pied». Ce que la dame à 800 € ne saura probablement jamais, c'est que ces Etats sont étranglés… par l'action des banques américaines et européennes. Celles-ci vendent à terme les dettes de ces Etats, provoquant la baisse effective du titre au comptant, engrangeant donc les bénéfices de leurs ventes à terme tout en faisant augmenter le taux que demandent les prêteurs pour renouveler le prêt.

Pire ! Dans le cas de la banque américaine Goldman Sachs, on découvre que c'est une de ses employées, particulièrement talentueuse, qui a aidé le gouvernement grec a maquiller les comptes de la Grèce avant l'entrée dans l'euro ! Compliqué ? Un peu ! Mais là est le secret de l'«enfumage» du monde entier par ces banques avec la complicité des Etats.

Conclusion : les Français sont vraiment très raisonnables. S'il ne l'étaient pas, aux élections régionales de 2010 comme aux dernières cantonales, le Front national et l'extrême gauche auraient dû à eux deux faire 80% des suffrages exprimés ! Avec la même abstention de 50% ! Mais notre petite dame à 800 €, qui fait partie de ces Français bien sages, doit attendre bien tranquillement les 16 € que lui a annoncés Christine Lagarde.

Jean Matouk pour Eco89

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Mis à jour ( Mercredi, 27 Avril 2011 17:29 )  

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