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Actuchomage en correctionnelle : Compte-rendu du procès

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Mardi 6 mars 2007, Yves Barraud, responsable d’Actuchomage, et Christophe T. (plus connu sous le pseudo «Radiateur»), comparaissaient devant le Tribunal correctionnel de Saint-Nazaire pour "incitation à la commission de délits pouvant mettre la vie d’autrui en danger". Compte-rendu.

En premier lieu, nous tenons à remercier chaleureusement celles et ceux d’entre vous qui, en juillet 2006, ont répondu à notre appel à solidarité. Par leurs dons (2.000 € récoltés en une semaine), ils nous ont permis de nous entourer des conseils avisés de Yann Choucq, avocat au barreau de Nantes, expert en droit de la presse, qui a fort habilement défendu notre dossier (1). Un grand merci donc à celles et ceux qui, par leur générosité, ont supporté la totalité des frais de procédure : 1.200 € HT pour l’avocat, 300 € de frais de déplacement, 100 € de frais divers.

Le diffuseur est le principal responsable

Pour en revenir à notre affaire : Christophe T. était poursuivi pour avoir déposé sur nos forums un message considéré par la Justice comme «délictueux». Christophe T. («Radiateur») signalait «aux énervés qui crament les agences ANPE qu’il en reste encore…» et de fournir l’adresse de celle où il travaillait à Saint-Nazaire. Pour sa part, Yves Barraud, Directeur de la publication Actuchomage, était considéré (et le reste) comme le principal responsable de ce délit, en qualité de "diffuseur" du message posté par «Radiateur».

«Le site Actuchomage peut être considéré comme une noble cause»

Comme prévu, le Procureur de la République s’est attelé à démontrer la culpabilité des deux poursuivis, considérant que Christophe T. a sciemment mis en ligne un texte incitant à la destruction par le feu de son agence ANPE, et qu'Yves Barraud s'est abstenu de supprimer ce message immédiatement après en avoir pris connaissance. Nous retiendrons de son réquisitoire plusieurs temps forts : Le Procureur a eu le mérite de constater que le message de «Radiateur» n’avait pas été suivi de faits et que la médiatisation de l’affaire avait mis un terme à la série d’incendies qui endommagèrent plusieurs agences ANPE en janvier 2006. De même, et nous l’en remercions, le Procureur a reconnu dans l’activité du site Actuchomage une "noble cause". Mais son ton plutôt "compréhensif" s’est vite durci.

«Et même si c’est la police ou les RG, ça ne change rien…»

Visiblement, avant de rédiger son réquisitoire, le Procureur a pris connaissance des articles publiés sur Actuchomage en janvier 2006 dans lesquels nous nous étonnions de la réactivité de la police sur ce dossier («Radiateur» a été arrêté un peu plus de 12 heures après avoir posté son message). Fixant Yves Barraud du regard, il a tenu à préciser : «Et même si la dénonciation du message était le fait de la police ou des RG (Renseignements généraux), le délit n’en reste pas moins constitué…». Dans plusieurs articles, en effet, nous trouvions pour le moins "suspect" qu’un soi-disant lecteur anonyme découvre le message de «Radiateur» (parmi les dizaines de milliers que comptent nos forums), y décèle un contenu délictueux et appelle dans la foulée non pas les services de police de sa localité (Colmar) mais directement la gendarmerie de Saint-Nazaire. Quelle perspicacité, quelle réactivité, quelle promptitude ! Cette personne «anonyme» aurait cherché à nous nuire qu’elle ne s’y serait pas pris autrement. Pourquoi n’a-t-elle pas cherché à nous alerter en première intention, avant de prévenir les services de police ? Mais, bon, n’insistons pas !

«J’informe les énervés qui brûlent les mosquées, les synagogues, les temples…»

D’autant que pour le Procureur, le temps est venu de se fendre d’une diatribe expéditive qui va quelque peu s’égarer. Jugez-en. «Monsieur Christophe T., et si vous aviez écrit : J’informe les énervés qui brûlent les mosquées, les synagogues, les temples, les églises, qu’il en reste encore… Vous imaginez les conséquences ? Monsieur Christophe T., vous devez mesurer la portée de vos mots !». «Monsieur Barraud, et si on avait écrit sur votre site : J’informe les énervés qui brûlent les maisons qu’il en reste une, celle de monsieur Barraud, située à cette adresse… Quelle aurait été votre réaction ? N’auriez-vous pas supprimé immédiatement ce message ?»

Des médias nationaux aux abonnés absents

Ouvrons ici une parenthèse. Cette audience aurait mérité d’être plus largement couverte par la presse - seule la régionale était présente (Ouest-France, Presse Océan, le correspondant de 20 Minutes…) -, car les débats allaient prendre une tournure très instructive avec les plaidoiries des avocats.
Maître Choucq (pour Actuchomage) s’attela à démontrer que si Yves Barraud est, en effet, responsable du contenu éditorial du site - actualités, interviews, dossiers… -, il doit être considéré comme "l’hébergeur" des forums ouverts au public ; de ce fait, il ne peut être tenu pour responsable des propos qui y sont échangés.

Ce message n’est qu’une mauvaise plaisanterie

Et Maître Choucq de rappeler que les contributions "extérieures" sont régies par les Conditions d’utilisation qu’acceptent les utilisateurs dès lors qu’ils s’enregistrent sur Actuchomage. Et, justement, nos Conditions d’utilisation spécifient que tout intervenant s’engage à ne pas poster des contributions pouvant faire l’objet de poursuites judiciaires. Mais loin de vouloir faire endosser la responsabilité des faits à Christophe T., Maître Choucq constate que le message de «Radiateur» peut être compris comme une "mauvaise plaisanterie", rien de plus, minimisant d’autant sa portée.
Notre avocat s’est également attaché à démontrer que la notion de "fixation préalable" du message (qui vaut à Yves Barraud d’être poursuivi) est, dans ce cas, nulle et non avenue. Cette notion est fondamentale car elle laisse entendre que le responsable d’Actuchomage a «donné son accord» avant la mise en ligne du message incriminé. Ce qui n’est pas le cas. Yves Barraud a découvert la contribution de «Radiateur» après qu’elle ait été postée sur nos forums. Certes, les administrateurs du site ne l’ont pas supprimée immédiatement mais, en aucun cas, ils ne l’ont "fixée préalablement". Et Maître Choucq d’ironiser sur le thème : «Monsieur le Procureur, pour vous la fixation préalable, ça se situe avant ou après la mise en ligne du message ?»

Les administrateurs ont fait preuve d’une «prompte réaction»

Notre avocat a relevé un autre aspect fondamental : Les administrateurs du site ont supprimé la contribution de «Radiateur» de leur propre chef, donc sans y avoir été invités par les autorités. En d’autres termes, dès qu’ils ont appris que ce message posait problème, ils l’ont immédiatement effacé, une attitude qui doit être comprise comme une "prompte réaction". Cet aspect est tout à fait essentiel. Alors que Christophe T . était mis en garde à vue et son appartement perquisitionné pour avoir posté un message pouvant «mettre la vie d’autrui en danger», personne n’a songé à informer les administrateurs du site pour qu’ils désamorcent dans les plus brefs délais cette "bombe". Voilà qui n’est pas très sérieux car ce "dangereux message" est resté visible 48 heures.

Saint-Nazaire, un grand bassin de précarité et de chômage

Pour sa part, l’avocat de Christophe T. s’est attaché à démontrer les conditions de travail déplorables de son client, agent de l’ANPE : «Nous connaissons bien ici, dans le bassin industriel de Saint-Nazaire, l’accroissement de la précarité professionnelle et du chômage. Tous les jours, mon client devait faire face à des situations inextricables. Non seulement il n’avait aucune formation et aucun emploi valable à proposer aux demandeurs d’emploi qui se présentaient à lui, mais il a constaté, concomitamment, un accroissement des radiations de l’ANPE souvent injustifiées, dans le seul but de rendre les statistiques du chômage plus acceptables». L’avocat de Christophe T. s’enflamme alors : «Mais nous savons bien qu’il n’y a pas 2 millions de chômeurs en France, mais 4 millions ! Christophe T. a simplement exprimé sur Actuchomage son impuissance à aider celles et ceux qui le sollicitent et il a dénoncé les radiations abusives des demandeurs d’emploi».

Un procès finalement exemplaire

En une seule et même audience, ont été abordés plusieurs thèmes qui touchent au quotidien de centaines de milliers d'entre nous :

• Les subtilités du cadre juridique qui régit l’activité des sites Internet. Quelques exemples : Un forum est-il un espace éditorial qui engage la responsabilité du Directeur de la publication, dans ce cas Yves Barraud, ou un lieu d’hébergement d’écrits qui relèvent de la seule responsabilité de leurs auteurs ? Et la notion de "fixation préalable" peut-elle être retenue dans cette affaire ?

• Autre sujet central : La dégradation des conditions d’exercice de leurs fonctions des agents de l’ANPE qui, dans un bassin d’emploi tel que Saint-Nazaire, voient fondre comme neige au soleil les offres de formation (donc de reconversion) et pulluler la gangrène de la précarisation des parcours professionnels.

Voilà une affaire qui tombait juste à point en cette période électorale et d’annonce de plans sociaux chez Airbus, une entreprise fortement implantée… à Saint-Nazaire.

Les médias dénoncent mais assurent rarement le suivi des affaires

Nous déplorons que les grands médias qui se sont "délectés" de l’affaire «Radiateur» en janvier 2006 (Libération lui avait même consacré une pleine page sous le titre «Radiateur refroidi par la Justice») n’aient pas assuré le service minimum, en suivant les débats passionnants de cette audience qui concernent de près ou de loin des milliers de sites et blogs, et des millions d’utilisateurs.
Une fois encore notre activité nous place à l’avant-garde militante, non seulement sur les thèmes du chômage, de l’emploi et de la rénovation démocratique, mais aussi sur les droits et devoirs des internautes et des administrateurs de sites Internet.

Le jugement a été mis en délibéré (verdict courant avril). Des amendes avec sursis pourraient être infligées à Christophe T. et à Yves Barraud. Leurs avocats ont réclamé la relaxe pure et simple.

Rajout d’Yves Barraud : Merci à toutes celles et tous ceux qui m’ont soutenu moralement et financièrement. Spéciale dédicace à mes amis Gérard Plumier et Jean-Marc Surcin.

(1) Les conclusions de notre avocat, Maître Yann Choucq, s’appuient sur les éléments suivants :

Les Conditions d’utilisation d’Actuchomage.

• La loi sur l’audiovisuel du 30 septembre 1986, modifiée par celle du 1er août 2000, sur la «fixation préalable» et la responsabilité du Directeur de la publication.

• Les dispositions de cette même loi (lire ci-dessus) sur la liberté de communication et de celle du 21 juin 2004 dite «loi sur l’économie numérique», concernant la responsabilité du modérateur et du Directeur de la publication.

• Exemples de «dérapages» constatés sur les sites Web de France Télévisions ou du Monde qui n’ont pas fait l’objet de poursuites.

• Jurisprudences, notamment celles émanant de la 17e Chambre (Chambre de la Presse) du TGI de Paris.

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Mis à jour ( Mercredi, 07 Mars 2007 13:11 )  

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